Peupliers de l'Île-Verte : les arbres de la discorde

Peupliers de l'Île-Verte : les arbres de la discorde

La décision de justice est tombée.

Grâce à Pierre Thierry, le juge des référés, la municipalité grenobloise a emporté une victoire contre les opposants à l’abattage des peupliers de l’Île-Verte, rue Aimon de Chissée.

Après avoir rejeté le référé du groupe d’élus de l’opposition jugeant leur absence d’intérêt à agir et en les condamnant même à payer solidairement 2400 euros pour l’avoir saisi, le juge a émis la même décision le 20 décembre, mais sur le fond, contre l’association "Vivre à Grenoble", pourtant politiquement proche de la Ville et qui avait engagé la même action.

Dès le 21 décembre, la municipalité procédait à l’abattage des arbres.

L’association "Vivre à Grenoble" avait pris le relais de l'opposition relevant "l’absence d’étude phytosanitaire et l’absence d’étude environnementale" en amont de l’abattage. Mais aussi une "violation manifeste du PLUI", considérant que le projet de remplacement des arbres "n’est pas adapté à la règle de compensation incluse dans le Plan local d’urbanisme intercommunal".

L'équipe d'Eric Piolle a tenu bon par la voix de Gilles Namur, adjoint au Maire. Ces peupliers n’étaient pas malades mais "génèrent beaucoup de bois mort, des branches qui tombent facilement (...) on est obligés de tailler massivement ces arbres chaque année. Ils n'apportent pas assez d'ombre à la rue. Le fait de les raser et de planter de nouvelles espèces permettra de préparer 2040 ou 2050 en mettant des arbres qui vont tenir la route".

Ces peupliers d’Italie, de grands sujets, ont alimenté la chronique locale pendant plusieurs mois. Après les marronniers de la place Victor Hugo et de nombreux autres abattages parfois malencontreux, la mairie grenobloise a fait l’objet de polémiques multiples. D’autant plus que la ville est dans une situation de cuvette très exposée au réchauffement climatique.

Le rapport du CNRS et de Météo France, selon lequel Grenoble était devenue en 2023 la première des grandes villes pour les ilots de chaleur, avait constitué une première alerte. Depuis lors nombre de classements nationaux placent la capitale des Alpes dans des positions peu enviables en matière de nature en ville par habitant et plus largement d’écologie.

Les opposants ont contesté la nécessité d’abattre ces arbres de l'Île-Verte, relevant que le parc Hoche est aussi fourni en peupliers sans que cette raison de sécurité ou d’entretien ne soit évoquée par la municipalité. Plus largement ils plaident pour que la priorité soit de préserver les arbres matures dont la photosynthèse permet le captage de CO2 et la production d’oxygène plus important. Afin de permettre à Grenoble d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

En affirmant que la plantation de nouveaux arbres compense la "dégradation du cadre de vie" liée aux abattages, "quand bien même les arbres nouvellement plantés, étant jeunes, n’apporteront pas durant plusieurs années le même ombrage que ceux devant être abattus", le juge Thierry est entré dans cette polémique en étant encore plus optimiste que la municipalité elle-même.

Il confond “plusieurs” et “très nombreuses” années" lui ont répondu les responsables de "Vivre à Grenoble" sur Place Gre’Net. En effet ,même Gilles Namur l’avait reconnu : "Il faudra donc attendre 20, voire 30 ans pour recouvrer l’ombre actuelle".

La discrétion malgré la victoire

La mairie écologiste multiplie les annonces de plantations d’arbres et a mis en place la possibilité pour les habitants d’en planter eux-mêmes. La "végétalisation" est aussi un thème récurrent. Mais elle ne peut pas produire une étude permettant de savoir quand  les centaines de jeunes arbres plantés – s’ils survivent - compenseront le nombre de feuilles et la taille des racines des nombreux sujets abattus, le seul marqueur de l’efficacité du captage de CO2.

L’affaire des peupliers de l’Île-Verte, les arbres de la discorde, se situe dans ce contexte assez tendu sur la nature en ville et l’urbanisation des jardins. Il se corse par la volonté de la Métropole de reprendre à la Ville la gestion des arbres qu’elle lui avait déléguée, insatisfaite du traitement du service. Autant de motifs qui ont amené la majorité, contrairement à ses habitudes, à se faire assez discrète sur sa victoire judiciaire l’autorisant à abattre des arbres.

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